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La petite fille qui aimait trop les allumettes - Gaétan Soucy

11 Décembre 2010 , Rédigé par Karine :) Publié dans #Littérature québécoise

petite-filles-qui-aimait-trop-les-allumettes.jpgPrésentation de l'éditeur

"Nous avons dû prendre l'univers en main, mon frère et moi car un matin un peu avant l'aube papa rendit l'âme sans crier gare.  Sa dépouille crispée dans une douleur dont il ne restait plus que l'écorce, ses décrets si subitement sombés en poussière, tout ça gisait dans la chambre de l'étage où papa nous commandait tout, la veille encore.  Il nous fallait des ordres pour ne pas nous affaisser en morceaux, mon frère et moi, c'était notre mortier.  Sans papa, nous ne savions rien faire.  À peine pouvions-nous par nous-même hésiter, exister, avoir peur, souffrir".

 

Commentaire

Oh my god, quelle claque que ce livre.  Tout de suite en l'ouvrant, on lit les mots qui composent la présentation de l'éditeur.  Tout de suite, on entre dans l'univers de deux enfants, complètement dépourvus par la mort d'un père tyrannique, torturé par le passé, qui les a fait grandir complètement à l'écart du monde dans un domaine en ruines.  Ils n'ont aucun repère, aucune idée de ce qui est réel et de ce qui est fantasmé.  Ils ont une vision du monde étroite et déformée, l'ayant vu seulement par les yeux de leur père et par les livres, appelés des dictionnaires.  Ces deux enfants sont totalement différents et suite à la mort du père, alors qu'ils devront composer avec cette nouvelle liberté dont ils ne savent que faire, ils réagissent chacun à leur manière. 

 

Il convient de ne pas trop en dire sur ce livre.  Le récit que nous lisons est celui de l'un des deux adolescents, celui qui se dit "le secrétarien", l'intellectuel.  Il nous raconte, comme ça, comme si nous avions les mêmes repères que lui, comme si nous savions de quoi il parle.  Et à mesure que des bribes de l'histoire se révèlent, nous restons là, bras ballants et bouche ouverte, horrifiés.  Du moins, dans mon cas, c'est qui s'est passé.  Parce que ce roman et à la fois très poétique mais également terrible. 

 

Le narrateur n'a pas la langue dans sa poche.  Il utilise un langage cru, vulgaire, n'a aucune idée de ce qui se dit ou pas et de ce qui se fait ou pas.  Complètement coupé du monde - il n'a jamais eu le droit de sortir du domaine - il raconte son quotidien et ses petites horreurs qui sont pour lui banales, dans une langue qui n'appartient qu'à lui.  Ce langage artificiel qui façonne sa vision du monde est l'un des éléments les plus marquants pour moi dans ce roman.  La voix est profonde et naïve à la fois, en assenant les vérités à la tête du lecteur comme si de rien était.  De là la claque. 

 

Bref, un roman très fort, que j'ai lu d'une traite et qui m'a laissée carrément sans voix.  C'est terrible.  Terrible mais magnifique.

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