Les harmoniques - Marcus Malte
Vera Nad est morte. On l'a brûlée. Affaire bouclée en quelques jours. La drogue, semble-t-il. Règlement de compte entre racaille.
Et à ça, Mister n'y croit pas. Vera, il la connaissait à peine, en fait. Mais à chaque fois qu'elle venait écouter sa musique, ses envolées jazz, son coeur battait à tout rompre. Et il ne croit pas à cette explication, trop simple, trop éloignée de ce qu'il croit connaître de Vera Nad.
Avec son ami Bob, chauffeur de taxi dûment casquetté, polyglotte et philosophe, il décide de suivre son pif et de lever le voile sur tout ça. Sauf que sa quête va le mener bien loin du Dauphin Vert et de son univers à lui...
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De Marcus Malte, j'avais eu un énooorme coup de coeur pour "Garden of love" il y a quelques années. Récemment, mes parents, à qui j'avais prêté ce roman il y a une demi-éternité, ont décidé de le lire et ils ont comme moi été happés. Du coup, j'ai sorti de ma pile cet autre roman de l'auteur, d'un autre genre... et j'ai encore une fois beaucoup aimé.
Je suis définitivement fan de l'écriture de Marcus Malte ainsi que des ses ambiances. Dans ce roman, il mélange les genres... roman noir, polar... j'ai trouvé le tout assez difficile à définir. Tout de suite, on est plongé dans un univers sombre, un Paris inconnu de moi. Noir, qui imprègne. Un mélange de silence lourd et de jazz. Parce que la musique a une place prépondérante dans ce roman.
Les harmoniques, c'est ce qui reste quand l'accord se disperse. Les notes derrière les notes. Les échos.
Et ici, nous avons les harmoniques d'une guerre. Celle de l'ex-Yougoslavie. Il n'y a pas si longtemps, en fait.
Vera y était. Elle y a survécu mais une guerre, ce n'est jamais fini pour ceux qui l'ont vécue. Vera, on ne la connaîtra qu'à travers le regard de Mister mais aussi celui de ceux qui l'ont côtoyée. Un peu. On rencontrera plutôt ces deux hommes qui semblent flotter dans leur vie (il paraît d'ailleurs que ce n'est pas le premier roman où ils apparaissent... je serais curieuse de lire les autres), on rencontrera un géant manchot, un homme sans nom, un arrière-arrière-grand-père immortel et un jeune guitariste des rues.
Et on verra les échos d'une guerre. Par bribes. Et on en réalise graduellement l'horreur.
Bien entendu, on pourra se demander pourquoi nos héros ont droit à certaines confidences. C'est un peu irrationnel, en fait. Mais c'est très maîtrisé, on est emporté dans ce monde , dans ce quotidien marqué par le passé. Les chapitres en italique, qui racontent Vera, sont magnifiques et terribles à la fois (celui où il est question de la grand-mère, entre autres, m'a mis les larmes aux yeux). Malgré tout, les touches d'humour et les dialogues entre Mister et Bob, le chauffeur, empêchent le roman d'être trop lourd à porter.
Je l'ai lu en écoutant du jazz et ses saxophones plaintifs, ses voix qui atteignent aux trippes, ses pianos qui s'envolent et qui transforment. Et je l'ai terminé en écoutant U2. Miss Sarajevo. Et soudain, je l'ai entendu d'une autre façon...