Le bibliothécaire - Mikhail Elizarov
Présentation de l'éditeur
"Quand Alexeï Viazintsev, dit Aliochka, part régler la succession de son oncle dans une petite ville des confins de la Russie, il ignore qu’il va se retrouver en plein milieu d’un sanglant conflit souterrain autour de l’écrivain Gromov, un plumitif oublié de l’Union soviétique. À son arrivée en ces lieux étrangers, en effet, on lui apprend que les textes de Gromov ont certaines propriétés mystiques dès lors qu’on les lit et relit régulièrement, et que ses lecteurs sont prêts à se battre jusqu’à la mort pour les posséder…
C’est un récit où se heurtent la caricature d’une société défunte et l’attachement à des racines culturelles souvent inventées ou arrangées. Un récit qui sonne tout autant le glas de l’homo sovieticus qu’elle le condamne à renaître en se réinventant, en se réécrivant. Une fable sur le temps perdu, la nostalgie trompeuse et la barbarie du présent."
Commentaire
Commençons ce billet par les aveux: il y a une partie de ce livre qui me dépasse. Est-ce que ça vous arrive, parfois, de vous dire que vous n'êtes pas à la hauteur? Et bien c'est ce qui s'est passé entre moi et ce livre, duquel je vais avoir du mal à parler parce que je pense sincèrement que si j'ai pu apprécier l'histoire, il me manque définitivement des éléments pour comprendre les métaphores et les allusions qui sont toujours très présentes tout au long de l'histoire. L'histoire de l'URSS et la société soviétique, je connais un peu. Le communisme, je connais un peu. La base, quoi. Mais ce n'était définitivement pas suffisant pour que je profite à plein de cette lecture.
Nous plongeons d'emblée dans un univers très très étrange et j'avoue que dans les 50 premières pages, où on nous explique un peu qui sont les personnages important, ce qu'est une bibliothèque et un bibliothécaire et qu'on nous raconte les sanglantes batailles livrées par les membres de ces mêmes bibliothèques, j'ai eu peur. Un moment donné, pendant une bataille de bloody mamies complètement déchaînées et sans pitié, je me suis même demandée ce que je foutais là, dans cette histoire qui me menait je ne sais où. Sauf que par la suite, quand on fait la connaissance de Viazintsev et qu'il nous raconte son histoire et son entrée maladroite dans une cohorte de lecteurs bien malgré lui, je me suis rapidement intéressée à son sort et je me suis plongée dans cette histoire bizarre. Parce que oui, ça reste dans le très bizarre, selon mon jugement bien sûr!
Il y a d'abord les Livres. Le livre de la Joie (qui rend euphorique), le livre de la Patience (qui rend insensible), le livre de la Mémoire (qui vous inventent des souvenirs heureux), le livre de la Fureur (qui rend berserk), le livre de la Force, et le livre du Sens, qui serait disparu. En vrai, ces livres racontent des histoires plates et politically correctes en union soviétique, vantant ce que le gouvernement prônait. Mais les effets sur les lecteurs... c'est autre chose!
Il faut donc dès le début comprendre et bien assimiler que "lecteurs", "bibliothèque" et "bibliothécaire" n'ont pas ici le même sens que celui que nous employons tous les jours. Une bibliothèque, c'est un groupe organisé - et armé - autour d'un Livre, l'un de ceux de Gromov qui font en effet incroyable à ceux qui le lisent, et son bibliothécaire, c'est le chef, la tête pensante, celui que l'on respecte, que l'on déifie, preque. Et les lecteurs, ce sont les soldats. Ceux qui ont connu les effets du Livre et qui sont prêts à mourir pour le garder... ou pour défendre une autre cohorte par le biais d'alliances étranges. C'est donc tout un petit monde de clans avec leur chef, leurs alliés, l'institution qui fait bien ce qu'elle veut sous des dehors d'intouchabilité et de justice et les mercenaires qui veulent un Livre ou tout simplement se venger. Ça faisait d'ailleurs un peu moyen âge, tout ça... des batailles sanglantes, des attaques, des règles d'honneur.
Le pauvre Viazintsev hérite donc du titre de bibliothécaire en même temps que de l'appartement de son oncle décédé en Russie un an auparavant. Il n'en demandait pas tant! Lui-même Ukrainien, Viazintsev ne sait pas trop comment se diriger dans ce pays d'après l'union soviétique et se retrouve un peu désoeuvré, comme plusieurs de ses camarades, d'ailleurs. Il n'est pas très courageux, n'y croit plus vraiment et au départ ne veut qu'une chose: se sortir de cet univers qu'il découvre petit à petit. Il restera pourtant dans cette cohorte où tout les camarades entrent chez lui comme s'ils étaient chez eux et qui sont prêts à mourir pour sauvegarder leur livre et les illusions que celui-ci leur procure. Et c'est cette voix du nouveau venu qui découvre tout en même temps que le lecteur qui m'a permis de rentrer dans l'histoire et qui m'a réellement incitée à vouloir comprendre ce qui me dépassait à prime abord. Une fois bien installée dans l'histoire, les pages ont défilé toutes seules.
Il y a des passages assez gore... les batailles sont bien décrites, longues, pas toujours ragoutantes et parfois très cruelles, comme si pour leur Livre, ils étaient prêts à renier plusieurs notions de morale, plusieurs valeurs. Une fois dans l'engrenage, on a l'impression qu'ils perdent le contrôle et se retrouvent dans cet univers un peu parallèle qui a presque l'air d'un jeu vidéo et qu'ils se laissent prendre, certains assez joyeusement. J'en aurais peut-être aimé un peu moins mais c'est ma petite sensibilité de fifille qui parle. Par contre, on sent une ironie poindre à maints endroits et même un peu d'humour, surtout dans les armes et armures faites du bric à brac le plus varié... mais léthales tout de même!
Un roman qui parle de livre, donc. Mais un roman étrange, assez noir et complètement bizarre qui a su m'atteindre par certains côtés mais qui m'a laissé un peu derrière par mon manque de références. J'imagine qu'il est ici question de pensée collective, de manipulation, de sacrifices individuels pour un but commun et d'illusions et j'imagine que ça a un certain rapport avec ce qu'a été l'union soviétique mais il me manque définitivement des clés pour bien comprendre. La fin, entre autres, me laisse perplexe. Si quelqu'un peut me donner quelques unes de ces clés, je serai ravie ravie!!!
Merci aux éditions Calmann-Levy pour l'envoi de ce livre qui sortira en librairie le 18 août prochain!