Le récital - Nicolas Gilbert

"Six personnages sont convoqués pour raconter une fraction de cette soirée, dont un concert de musique contemporaine forme les points de départ et d'arrivée. Ils se croisent de loin, s'observent parfois et mènent leur vie dans un temps qu leur est propre, cherchant l'amour et l'art. La musique est-elle une façon d'aimer ou de fuir? Et s'il n'y avait pas de réponse à cette question, seulement un sentiment d'échec qui vous habite parfois?
Ce récit à plusieurs vois joue avec le temps et les lignes brisées pour tracer le portrait pointilliste d'une époque et d'un milieu. Alors, seulement, l'intelligence de la structure se révèle-t-elle pour prouver encore une fois que des liens étroits unissent la composition et l'écriture, la musique et la vie."
Commentaire
Ce livre est la sélection de janvier pour "La Recrue du mois" et, étant donné son thème, je me suis fait un plaisir de les suivre! En plus, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'auteur au salon du livre de Montréal. Nicolas Gilbert est compositeur de musique contemporaine (shame on me, je n'ai jamais entendu aucune de ses compositions) et nous ressentons ceci dans son récit, à la fois dans le contenu et dans la forme.
D'abord, la forme (il me semble que j'ai lu quelque part que l'auteur avait déterminé la forme avant le contenu). Six personnages racontent deux périodes d'une heure dans la soirée du 4 mai, dans un ordre pas vraiment chronologique, mais tout de même croissant. Les récits sont plus ou moins longs, racontés à la première personne, bien distincts par le ton les uns des autres, et intercalés de pages hors-temps. Expliqué ainsi, ça peut sembler bien froid et bien technique mais le résultat final m'a bien plu, avec ses changements de rythmes et de couleur. Bizarrement, ça donne un ensemble très "auditif", ces différentes voix.
Cette forme contient un récit tournant autour de la musique, la musique contemporaine en particulier. Les personnages (le pianiste, le compositeur, l'esthète, le placier, la serveuse et le puceau) tournent de près ou de loin (même assez loin) autour du milieu musical. Lors de cette soirée, nous assistons aux questionnements du pianiste virtuose sur la musique, sur l'art, sur l'image qu'il projette, à la panique du compositeur face à la création de sa pièce aux réflexions de l'esthète désabusé. Le roman est truffé de références musicales et littéraires, référence que moi, connaissant somme toute assez peu de choses sur la musique contemporaine (façon jolie de dire "rien du tout"), je n'ai pas réussi à saisir, en grande majorité. Disons que j'étais contente quand je reconnaissais un nom au passage... sans pouvoir saisir les parallèles! De plus, j'imagine que la structure du roman va rechercher celles de la musique mais, si j'ai réussi à "entendre" la chose, je n'ai malheureusement pas les connaissances techniques pour expliquer ou pour rationnaliser le tout.
Et mon appréciation? Bizarrement, j'ai réellement beaucoup aimé. J'ai aimé voir défiler sous mes yeux ce monde de la musique où je n'aurai jamais accès, j'ai aimé avoir une fenêtre ouverte sur leur quotidien, sur ce qu'il y a derrière le masque. J'ai aimé entendre les différentes voix. Par contre, je dois avouer que rarement un roman (pas tout le roman, mais certaines parties) ne m'a fait me sentir aussi inculte,"out of it" et, en poussant "limitée intellectuellement"!! Ok, je l'admets, je dois encore "apprivoiser" la musique contemporaine (façon polie de dire que oui, certaines oeuvres me font penser à un chat qui se balade sur le clavier et que je crois que JAMAIS je n'aurai le degré d'évolution nécessaire pour apprécier... pas toutes, mais certaines) et il me manque de références. Mais même avec les références, ça plane trop haut pour moi et je crois que mon cerveau ne se rendra jamais jusque là. Par chance, certains personnages, plus terre à terre, me rappelaient que j'étais - presque - normale!!
Par contre, à un moment donné, j'ai cessé de vouloir tout rationnaliser, tout comprendre... et j'ai réussi à me laisser porter par ce récit, par ses voix. J'ai écouté ces personnages parler de leur quotidien, de ce qui pour eux semble si simple et qui m'est tellement inacessible. Et bizarrement, ce sont de ces parties dont je garde le souvenir le plus fort... Peut-être est-ce parce que j'ai quand même l'habitude d'écouter certaines personnes parler sans jamais n'y rien comprendre (je ne vise personne ici, hein... jaaaaamais je n'oserais... je n'ai auuuucunement en tête un certain - long - monologue au sujet des procédés stylistiques - en latin - d'un espèce de long poème dont j'ai oubié le nom!!) Bref, j'ai aimé passer ces six heures dans ce milieu.
8/10