Bridge of Sighs (Le pont des soupirs) - Richard Russo

"Louis Charles Lynch (aussi connu sous le nom de Lucy) a soixante ans et a vécu toute sa vie à Thomaston, dans le nord de l'état de New York. Lui et Sarah, son épouse depuis 40 ans, sont sur le point de partir visiter l'Italie. Le plus vieil ami de Lucy vit maintenant à Venise, loin, très loin de Thomaston.
Avant de partir, Lucy décide d'écrire, de raconter son enfance, sa vie, pour que rien ne soit oublié. "
Commentaire
J'ai terminé ce livre ce matin et je ne sais toujours pas quoi en dire. Ce que je sais, c'est que j'ai passé un très bon moment de lecture. Mais je sais aussi que ce livre ne plaira pas à tout le monde car pour apprécier, il faut aimer les rythmes lents et les histoires où il n'y a pas nécessairement un rebondissement éclatant à chaque page.
En fait, Richard Russo nous dépeint encore une fois un "loser" sympathiques... deux en fait. Ok, pas nécessairement des losers... mais des éternels optimistes, qui ne voient que le bon côté des choses, qui se font avoir et qui n'aspirent qu'à de petites choses. Comme une épicerie de quartier dans la petite ville de Thomaston, ville qui se meurt de plusieurs façons mais à laquelle Lucy ( Pour comprendre d'où ça vient, essayez de prononcer "Lou C." à l'anglaise) est très attaché. Il ne peut quitter ses souvenirs, ce qui a été ou ce qui aurait pu être. Le rythme du roman, lent et détaillé, reflète bien le rythme de vie dans la petite ville, où chaque événement avait son importance, où chacun avait sa place. Au bout d'un moment, j'ai été vraiment été imprégnée de l'atmoshère et du mode de pensée de cette petite ville, séparée distinctement en trois quartiers et où tout le monde connaissait tout le monde. J'en suis presque venue à ressentir l'atmosphère rassurante et familiale du magasin familial des Lynch.
Les personnages ne sont pas parfaits, loin de là. Mais à travers le roman, j'ai appris à les connaître sous leurs différents jours, avec leurs nuances de gris (parce que même pour les moins gentils, il y a du gris). Big Lou et Lucy sont parfois énervants avec leur éternel optimisme et leur vision un peu naïve du monde mais ils sont quand même attachants. J'ai parfois eu le goût de secouer Lucy , éternelle victime, quand il s'en veut presque d'avoir causé une bonne frousse à ses agresseurs... qui l'avaient enfermé dans un coffre... J'ai beaucoup aimé le personnage de Tessa, la très réaliste mère de Lou et je décerne une mention spéciale à Uncle Dec, un sympathique bon à rien. Russo a un talent particulier pour rendre les personnages un peu "croches" sympathiques! Bobby, l'Ami (notez l'emploi du "A" majuscule, qui est voulu), est présent par petites touches mais son ombre plane sur tout le roman... il est toujours là, dans chaque page. Bobby qui a tout quitté pour vivre autre chose...
La narration est un peu particulière car on passe du "je" de Lou à l'heure actuelle au "je" du récit qu'il écrit et où il parle de son enfance. Nous avons aussi droit aux parties à la troisième personne, où le personnage principal est Sarah (adolescente et adulte) ou encore Bobby (adolescent et adulte également). Ça prend parfois quelques lignes pour s'y retrouver. J'ai particulièrement aimé les parties où Bobby est à l'avant plan... quand ses pensées nous sont - enfin- révélées, nous avons presque l'impression de le connaître (par la voix de Lou) et ainsi de rencontrer un vieux copain que nous sommes prêts à admirer, tout comme lui.
Bref, un roman empreint de nostalgie où les personnages font la paix avec certains épisodes de leur vie... près de 40 ans après. Un deuil du "ce qui aurait pu être si...", en quelque sorte. J'ai bien aimé la balade et j'ai été touchée à plusieurs reprises. Beaucoup de petits moments d'émotion mais pas vraiment de grand "coup au coeur" qui aurait pu me submerger. Mon seul problème avec ce livre? Imaginez-vous que la rivière était empoisonnée par une industrie locale... et que le taux de cancer dans cette petite ville est très très élevé. En fait, la maladie est comme une menace qui pèse sur les habitants... ce n'est presque pas "si" mais plutôt "quand"... Bien entendu, à l'heure actuelle, je suis certaine d'être gravement malade, ayant lu le mot fatidique trop de fois dans les derniers jours. Hypocondriaque, vous dites? I know...
8,5/10