Madame Bovary - Gustave Flaubert
Présentation de l'éditeur
"Jamais Madame Bovary ne fut aussi belle qu'à cette époque... Ses convoitises, ses chagrins, l'expérience du plaisir et ses illusions toujours jeunes, comme font aux fleurs le fumier, la plue, les vents et le soleil, l'avaient par gradation développée, et elle s'épanouissait enfin dans la platitude de sa nature. Ses paupières semblaient taillées tout exprès pour ses longs regards amoureux où la prunelle se perdait, tandis q u'un souffle fort écartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses lèvres qu'ombrageait à la lumière un peu de duer noir."
Commentaire
Je pense que j'en ai parlé au moins 25 fois mais je tiens quand même à le répéter (oui, je radote, c'est dans ma nature), Madame Bovary a été mon pire souvenir d'école. Lu - beaucoup - trop jeune, je n'ai strictement rien compris, je me suis ennuyée autant sinon plus qu'Emma et je suis ressortie du roman, avec tout le discernement et l'appréciation des teintes de gris qu'on peut avoir à 12 ans, avec la conclusion ma foi assez surprenante basé sur les énoncés suivants:
A. Une fille/femme qui trompe son chum/mari est une salope par définition.
B. Emma Bovary trompe son mari.
Donc : Emma Bovary est une salope.
CQFD.
Tout est ma foi très simple quand on a 12 ans. Du coup, les états d'âme d'Emma ne m'avaient pas touchée une demi-seconde, je trouvais qu'elle avait bien cherché ce qui lui arrivait, en fait. Donc, bon, comme je disais, pire souvenir d'école.
C'est avec Isil - qui est méconnaissable ces temps-ci, avec un rythme de lecture incroyable - que j'ai décidé de relire ce roman. Hydromielle voulait nous accompagner mais Madame Bovary a décidé de se cacher dans ses tablettes pour ne plus en sortir. Acte manqué, peut-être? Inutile de vous dire que j'avais une peur bleue de réouvrir ce livre. J'ai lu quelques pages, j'ai froncé les sourcils. J'ai continué, j'ai écarquillé les yeux.
Parce que je venais de réaliser que, franchement, j'aimais vraiment beaucoup. Et à mesure que les pages se tournaient, j'ai compris que non seulement j'aimais beaucoup, mais que même, j'adorais. J'ai été la fille la plus surprise du monde, en fait. Ce que j'entrevoyais comme un long calvaire a été pour moi finalement une lecture intense, où je me suis délectée des mots de Flaubert. Rien de moins.
Ce que j'ai pu aimer son écriture. Et pourtant, j'aurais bien du mal à dire pourquoi. Ça coule tout seul, ça colle aux sentiments, chaque description est tout à fait dans le ton, dans l'énergie des personnages. Pas de grande envolée lyrique, un regard extérieur, qui ne porte aucun jugement, qui nous décrit ce qui se passe, mais de quelle façon. J'adore ses comparaisons, qui semblent banales mais qui évoquent des images incroyablement fortes. Du coup, ça semble l'évidence même et on se demande pourquoi on n'y avait pas pensé avant. La description de la vie au village sonne juste, les émois d'Emma accélèrent le rythme, les personnages sont croqués tels qu'ils sont, sans complaisance. Bref, je suis subjuguée. Et je ne sais pas expliquer pourquoi.
Quant à Emma, qui rêve sa vie plus qu'elle ne la vit, je l'ai trouvée parfois agaçante, souvent fascinante. Incapable de se satisfaire de l'ordinaire de sa vie un peu étriquée où elle s'ennuie terriblement, elle veut vivre les grandes émotions des romans, l'Amour avec un grand A et se projette dans toutes sortes de rôles, aussi improbables que passagers. Elle se persuade de ses passions, joue un rôle pour elle-même, vit le bonheur comme la tristesse sans commune mesure. Dans sa tête, elle est une héroïne, elle rêve de plus, se convainc de ses sentiments. Particulièrement vulnérable, elle ne voit pas les gens tels qu'ils le sont vraiment, ne dépasse jamais les façades parce que la réalité ne correspond pas à son imagination débordante. Et même si on réalise que, en voulant vivre la vie comme elle la rêvait, en ignorant les signes et en étant toujours déçue, elle cause elle-même sa perte, impossible pour moi de ne pas être touchée par sa course désespérée à la fin du roman.
De même, Lheureux et Homais me font rager et j'aurais eu le goût de secouer Charles de ne rien voir, même si bon, le pauvre, il fait ce qu'il peut avec les moyens qu'il a. L'hypocrisie du pharmacien, son ambition, sa façon de feindre l'amitié, ça nous paraît tellement évident à nous et nous les voyons tous les deux qui n'y voient que du feu... Bref, tout dans ce roman est venu me chercher.
Et je ne m'y suis pas ennuyée une seule minute.
Qui l'eut cru!
C'était donc mon classique du mois de février pour le challenge de Cess!