Kinderzimmer - Valentine Goby
C'est par ce roman que je découvre l'auteur. Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre. Mais ouf... quelle claque. Quelle lecture. Je suis sortie de là complètement bouleversée, amochée. Et ce n'est pas le premier roman "camp de concentration" que je lis. Mais à chaque fois, je suis complètement virée à l'envers. Et dans ce cas-là, doublement. Car il s'agit - en partie - d'enfants.
Suzanne raconte son histoire au lycéens. Puis soudain, une question. Une question différente. Celle qui la fait sortir de la grande histoire et qui lui fait revivre la sienne. Ou celle de Mila. Celle en elle qui a vécu le camp.
Mila a été arrêtée en tant que résistante parce qu'elle codait et passait des messages, du fond de son magasin de musique. C'est bien après les événements qu'elle se souvient vraiment de Ravensbruck. De ses sensations sur le moment, alors qu'elle ne savait pas trop vers quoi elle se dirigeait. Vers l'horreur. L'inommable. Mila était enceinte à son entrée au camp. Ce qui, vous pouvez l'imaginer, n'avait rien d'un heureux événement. De plus, elle ne sait pas du tout ce qui l'attend. Personne ne lui a rien expliqué. Elle va donc découvrir le kinderzimmer. La pouponnière. Version nazie. Un lieu d'horreur mais aussi un lieu où il y a - parfois - un peu d'humanité.
C'est une histoire puissante qui nous est racontée. Puissante et essentielle. Oui, il y a l'horreur. La maladie et la mort qui règne. Il y a la déshumanisation, la saleté, la peur et la faim. Mais il y a aussi, des fois, juste des fois, de la solidarité, la tentative de s'accrocher au moindre brin d'espoir, au moindre fragment de vie normale. Ce roman m'a secouée à la fois par sa cruauté (le pire ayant été la femme qui nourrit ses bébés chats avec le lait destiné aux bébés des prisonnières avant de nourrir ces derniers... j'ai dû refermer le livre un moment) et par les sentiments forts qui s'en échappent (Georgette, Teresa, Noël, les discussions, le personnage de la puéricultrice, inspiré de Marie-José Chombart de Lauwe, personnage réel).
Un roman beau et terrible à la fois. Une plume pudique et frappante. On sourit, on pleure et surtout, on espère avec ces femmes qui luttent malgré tout et qui résistent à leur façon, par de petits gestes quotidiens, qui leur prouve qu'elles sont encore vivantes. Et en espérant, en ces enfants. Et jamais on ne parlera trop de cette horreur. Pour - surtout - ne pas recommencer.