Garçon manqué - Samuel Champagne
J'avais énormément aimé "Recrue", le roman de Samuel Champagne dans la collection Tabou qui traitait de l'homosexualité à l'adolescence (j'en parlais ici). Je trouvais qu'il offrait une vision positive mais réaliste (et pas rose nanane) de ce que vivaient ces jeunes. Quand "Garçon manqué" est arrivé dans ma boîte, je l'ai tout de suite ouvert car j'avais été interpellée par une conversation que j'avais eu avec l'auteur au salon du livre de Montréal.
Verdict? Livre nécessaire, percutant, que j'ai aimé mais qui m'a moins touchée que "Recrue". Est-ce parce que la situation traitée (la transsexualité) m'est moins familière? Peut-être... mais je m'explique.
Au début du roman, Eloïse a 10 ans. Déjà, elle ressent un profond malaise qu'elle a du mal à identifier. En effet, elle ne se reconnaît aucunement dans "la princesse" ou "la poupée" dont ses proches parlent. Dans sa tête, Eloïse est "il". C'est un gars. Pas une fille tomboy ou une "butch". Juste un gars. C'est donc le cheminement d'Eloïse (qui devient graduellement Eloi) que nous suivrons à travers ces pages. Un cheminement qui fera réagir, qui ne se fera pas sans heurts. Mais qui sensibilise à une situation très méconnue. Qu'arrive-t-il quand la nature s'est trompée?
J'avoue avoir eu davantage de mal, voire même un peu de lassitude avec la première partie. Je conçois parfaitement que ces pages qui traitent surtout du mal être persistant, de la réalisation, de la perception du jeune par son entourage étaient très nécessaires. Comment comprendre, autrement, la décision et la volonté de fer d'Eloi de devenir lui-même? Surtout à ce jeune âge. Mais à la lecture, j'avoue avoir trouvé ça un peu redondant. J'ai de beaucoup préféré quand les choses commencent à s'enclencher, quand elles sont claires et que les démarches commencent. Le personnage évolue, vit des hauts et des bas, le tout dans un style toujours nuancé mais aussi travaillé sans en avoir l'air. La réaction de son entourage est aussi fort intéressante. Et on réalise en lisant le roman à quel point c'est difficile de changer de pronom. De perception. Parce que même en tant que lecteur, on est parfois mélangé et on ne sait plus trop. Très réaliste, quoi.
Précisons que l'auteur sait de quoi il parle (et ça se voit dans le roman) car il est lui-même en transition et qu'il a longuement travaillé sur la littérature gay, lesbienne et transsexuelle pour la jeunesse. Un roman à lire. Ne serait-ce que pour ébranler quelques certitudes.