Conversation de salle d'attente... ou l'art de passer pour la reine des perv**ses!
Ce matin, c'était l'avant-midi do-que-teur. Je déteste aller chez le doqueteur, que je nomme ainsi pour ne pas que personne n'ose confondre avec LE Docteur... c'est tout à fait autre chose.
Bref, chez le doqueteur, il y a une constante: on attend. Avec moi, attendre, ce n'est jamais vraiment un problème. Un livre dans les mains, un autre dans le sac au cas où vraiment, j'attendrais longtemps, et le tour est joué. Sauf que ce matin, quelqu'un a déjoué mes plans. Et j'ai nommé une charmante voisine de salle d'attente en mal de conversation.
La dame en question est très gentille, a plus de 75 ans et me parle comme si j'en avais 14. Bon, je me dis que c'est flatteur, que je parais moins de la moitié de mon âge!!! J'ai presque le goût de lui dire qu'elle fait ma journée!!! La salle est pleine, vraiment pleine. Et pour ceux qui l'ignorent, j'habite dans une ville moyenne (environ 20 000 personnes) où tout le monde connaît au moins quelqu'un qui te connaît.
Après quelques minutes de conversation, la dame regarde mon livre. Comme je passe mon temps à regarder les livres des autres pour voir ce qu'ils lisent, ça ne m'embête pas trop. Ce matin, je lisais "Le festin chez la comtesse Fritouille", de Witold Gombrowicz. La dame commente:
- Ah je n'ai jamais aimé lire étant jeune mais maintenant que mes yeux ne voient plus clair, je suis rendue que j'aime ça mais je ne peux pas lire souvent, ça me fatigue.
Comme je sais qu'elle est venue consulter pour ses yeux (je connais aussi tout son passé médical), je lui dis que peut-être le médecin trouvera une solution pour la lecture. Elle se saisit de mon livre.
- Mais c'est quoi que tu lis là, ma fille?
Et elle ajuste ses lunettes et se met à décoder. Fort. Très fort. Juste au moment où un silence relatif se fait dans la salle d'attente.
- Oui-tann Bonn-gross-bitt... (Lire fort pour comprendre le malaise qui m'a immédiatement saisie... je me dis que vraiment, elle a des problèmes avec ses yeux et qu'elle ne consulte pas pour rien) Le festin de la fripouille!!
Bien entendu, tout le monde s'est retourné à ces mots... on dirait que c'est automatique... Je me sens comme... fixée et je veux bien entendu rentrer en dessous de ma chaise. Une "bonne grosse bi**e" et une fripouille, assaisonnée d'un festin en plus... Et comme je n'ai aucune espèce d'idée de comment se prononce ce nom, je ne peux même pas la corriger. Anyway, je suis beaucoup trop occupée à rougir! Je me dis alors qu'au moins, je ne connais personne "directement" dans la pièce... je suis encore anonyme... et là, soudain... après 35 minutes d'attente...
- KARINE ******, salle numéro 6!
Ça, c'est pour l'anonymat. On parle d'un sens du timing. Bref, je me lève, et juste quand je pensais que bon, là, j'avais atteint LE comble du malaise, la gentille dame me tend mon livre, qu'elle avait toujours dans les mains et continue tout aussi fort:
- Ah mais oublie pas ton livre de "grosse bitch"!!!
J'écarquille les yeux et je prends le temps pour retrouver mon air avant de recommencer à respirer... Ça y est, cette fois, c'est la honte totale. Je serai bientôt connue dans toute la ville pour lire des cochonneries dans le bureau du doqueteur. La joie. *Soupir*
Par contre... si elle transforme tout ce qu'elle lit de cette manière... je crois maintenant comprendre pourquoi la dame a développé un goût soudain pour la lecture, depuis qu'elle a des problèmes de vue!!! Ça doit mettre du piquant, non??