The meaning of night (La nuit de l'infamie) - Michael Cox
Présentation de l'éditeur (de l'édition française. Mon livre a été oublié chez un ami qui a décidé de le kidnapper, je pense...)
"Une nuit brumeuse d'octobre 1854, Edward Glyver arpente les rues de Londres, choisit un passant au hasard, lui tranche la gorge.
Simple entraînement avant le meurtre de Phoebus Daunt, l'éminent poète qu'il jalouse depuis son enfance. Edward Glyver aurait exécuté sa vengeance comme prévu, si une lettre anonyme n'avait pas tout chamboulé... ."
Commentaire
" Après avoir tué l'homme aux cheveux roux, je suis allé chez Quinn m'offrir un souper d'huîtres..."
C'est la première phrase de ce roman d'inspiration victorienne, première phrase qui m'a immédiatement accrochée à cette histoire qui nous emmène dans un Londres sombre et ma foi assez glauque. Un roman d'atmosphère, en tout premier lieu mais pas que. Il y a une intrigue très dense, souvent distillée mais quand même étonnante. L'auteur nous emmène avec lui dans cet univers noir à l'occasion, lumineux à d'autres. J'ai trouvé ça ma foi très réussi, je m'y croyais!
Le sous-titre "une confession", est très révélateur de ce qu'est ce livre, qui commence par une préface qui nous explique que ce que nous allons lire est la retranscription des carnets d'un certain Edward Glyver, homme instruit et féru de littérature. D'ailleurs, tout au long du roman, on tentera de maintenir cette illusion par des notes de bas de page et des allusions. J'avoue, je suis allée vérifier à l'occasion afin de trouver ce qui était réel ou pas... je suis crédule, que voulez-vous! Pendant plus de 600 pages, nous lirons donc cette étrange confession. Edward Glyver n'est pas un personnage sympathique et encore moins fiable. Aveuglé par la vengeance et le rétablissement de ce qu'il considère son droit, addict de l'opium, prêt à tout pour récupérer ce qui, croit-il, lui est dû.
Glyver nous raconte donc sa vie, passant du passé au présent et révélant l'histoire par bribes. Nous verrons donc son enfance avec sa mère, auteure de romans à la chaîne pour assurer leur subsistance, son entrée dans un collège chic, le début de sa rivalité avec Phoebus Daunt, qui deviendra son ennemi juré, et nous assisterons au moment où sa vie a été chamboulée par la découverte des journaux intimes de sa mère, qui contient des révélations surprenantes qui le conduiront vers un désir de vengeance proche de la folie. Mensonges, trahisons, amours tourmentées, l'auteur nous révèle par bribes l'histoire et le destin d'Edward. J'ai beaucoup aimé retrouver des lieux connus de Londres et les imaginer à l'époque victorienne à travers cette histoire dense, pleine de personnages difficiles à aimer mais qui m'ont quand même fascinée par leur folie, leur morale élastique et leurs comportements dérangeants. C'est toute une vie qu'on raconte, pleine de rencontres, d'événements divers, de retournements de situations. Comment ces personnages ont-ils pu en arriver là, c'est la question que je me suis posée tout au long du roman et c'est cette évolution psychologique qui m'a particulièrement intéressée.
Le style est très érudit, on sent que l'auteur connaît l'époque et la littérature de l'époque. J'ai beaucoup aimé les multiples références, les clins d'oeil. Toutefois, je dois avouer que le choix du style, par ailleurs tout à fait volontaire, m'a semblé assez lourd à plusieurs reprises, en raison de ces mêmes références et du mode choisi pour raconter l'histoire. C'est un roman qui demande au lecteur de s'accrocher par moments et le narrateur, pris dans sa confession, saute d'un sujet à l'autre et digresse joyeusement. Ça ajoute à l'atmosphère et au portrait du personnage mais parfois, ça m'a semblé un peu long car il y a tout de même des répétitions et on se demande où ça s'en va. Et comme ma malédiction semble être encore en vigueur (j'ai dû trop casser de miroirs dans ma vie.. j'ai accumulé 77 ans du malheur de tout deviner aussitôt le premier indice donné), j'ai rapidement vu où on voulait nous emmener et aucune révélation ne m'a réellement surprise. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas été très intéressée à l'évolution de ce personnage et au chemin qu'il avait bien pu prendre pour en arriver là, à haïr et jalouser à ce point.
Un avis somme toute très positif, pour un roman qu'on peut aimer ou détester, selon ce que j'ai lu un peu partout sur la blogo anglophone. En français, deux autres avis complètement contradictoires: Ys qui a adoré ce roman et Thom qui a titré son billet "le néo-victorien pour les nuls". Je sens qu'il va falloir le lire si vous voulez savoir qu'en penser!