Rose Aimée - 1 - La belle qui porte malheur - Béatrice Bottet
Présentation de l'éditeur
"San Francisco, mai 1851.
Dans le saloon bruyant et enfumé bourré de chercheurs d'or, l'homme aux cheveux gris haussa la voix : - J'ai quelque chose d'important à te demander... Le jeune marin ouvrit bien grand ses oreilles. - Es-tu capable de retrouver quelque chose à Paris ? demanda Garancher, fébrile, en lui mettant une main sur le bras. Et quelqu'un ? - Ce que vous voulez, dit Martial Belleroche avec assurance. Et qui vous voulez.
- Alors je compte sur toi. Mais surtout, surtout... il faudra te méfier, fit Garancher d'une voix grave e t lugubre sans s'expliquer davantage. Il leva alors son verre et les deux hommes trinquèrent.
Paris, avril 1852. Fifi-Bout-d'Ficelle sourit au public et s'inclina. Tous les spectateurs sentirent leur coeur fondre. Tous sauf un. Le piano et le violon jouèrent un prélude d'une grande intensité dramatique. Fifi salua gracieusement en tenant sa robe à deux mains. Quelques applaudissements éclatèrent encore, vite rembarrés par des " chuuut " impatients. Et Fifi chanta la complainte de la fille qui portait malheur...
Commentaire
Ce fut toute une aventure que de lire ce roman! D'abord, il faut savoir qu'il est introuvable ici. Même mon libraire n'a pas réussi à me le commander. Mathilde, de chez Nouvel Angle Matagot a tenté de me l'envoyer cet été mais ce n'est pas le marin qui s'est perdu dans la brume mais plutôt Rose-Aimée qui s'est perdue dans la poste. J'ai par la suite pleuré un peu aux copines et c'est Delphine qui me l'a finalement trouvé et bien gentiment envoyé. D'ailleurs, copine, je t'en dois une et si tu veux un Québec-livre en échange, ça va me faire plaisir!
Bref, revenons à Rose-Aimée. C'est ma foi un excellent premier tome de série jeunesse que voilà. Une belle histoire d'amour, certes, mais surtout une atmosphère réussie qui nous transporte dans le Paris de 1850, dans l'univers populaire des cabarets un peu louches. Que ce soit les Trois Anges Blancs, le couvent hanté ou les rues de Paris, l'auteure réussit à recréer parfaitement l'ambiance et à nous faire imaginer l'endroit sans pour autant que ça nous semble artificiel. On entend presque la musique d'accordéon en arrière-plan. J'ai imaginé Rose-Aimée qui courait dans les rues boueuses avec sa lanterne, j'ai limite vu son aura de mystère planer autour d'elle. J'ai vu bagarres, tripots, ruelles sombres et coups de couteau. Et je n'ai pu lâcher mon livre, ce qui fait que le boulot n'a pas DU TOUT avancé aujourd'hui, malheureusement.
Martial est un marin intelligent et débrouillard qui a une dette de vie. Il a promis à son sauveur de lui ramener un manucrit. Et c'est pour cette raison qu'il se retrouve au cabaret et que son destin va croiser celui de Rose-Aimée. Ils ne sont pas parfaits ces deux-là. Ils s'y prennent bien mal, ils doivent composer avec leurs failles, leurs craintes, leurs passés respectifs. Mais c'est une très très belle histoire d'amour dont j'ai suivi l'évolution avec un sourire attendri. J'ai aimé voir la confiance se bâtir, les voir prendre soin l'un de l'autre, voir la complicité s'installer tout doucement, presque à leur insu. J'aime qu'ils aiment vraiment "quelque chose" chez l'autre et ne soient pas juste en amour avec l'amour, comme j'en ai parfois l'impression dans les romans jeunesse. Et je les ai aimés tous les deux malgré leurs travers, leur impulsivité et leur façon parfois maladroite de tenter de se faire confiance.
J'ai aussi beaucoup aimé l'écriture, la façon dont nous sommes plongé dans l'époque par les dialogues qui sont selon moi assez bien dosés, pas exagérément "pittoresques". Bon, là, vous direz "elle est qui, elle, pour juger de ça, elle n'a aucune idée de comment on parlait à l'époque" et vous aurez raison. Mais si la syntaxe est populaire et le vocabulaire parfois cru et d'époque, nous n'avons pas l'impression de lire un étalage d'expressions anciennes collées l'une à l'autre. J'ai trouvé le procédé très judicieux et ça ajoute juste ce qu'il faut à l'ambiance. De plus, il y a un bon compromis entre le "très chaste et pas probable" et le côté "jeunesse". Les premiers émois, ceux qu'on ne comprend pas bien, sont bien décrits, les insécurités aussi. Ça m'a plu.
Si les gentils sont en teinte de gris, je reprocherais toutefois aux méchants d'être bien bien méchants. Un peu "trop" dans leurs réactions, parfois. Certaines attitudes m'ont semblé exagérées, leur méchanceté trop souvent mentionnée explicitement. J'ai failli lancer le roman à travers la pièce à un moment. Tant qu'à avoir de vrais vilains, je les aime bien machiavéliques, pas juste "bêtes et méchants"... Je comprends le pourquoi mais je n'ai quand même pas été convaincue par certains d'entre eux.
Finalement, même si on voit venir certaines choses gros comme une maison (c'est ma malédiction à moi), une lecture la plupart du temps bien rythmée qui m'a beaucoup plu, qui m'a tenue éveillée et rivée aux pages. Le livre a suffisamment éveillé mon intérêt pour que je commence le tome 2 immédiatement d'ailleurs. Difficile de faire autrement, avec cette finale, n'est-ce pas! Une rencontre réussie pour moi qui m'a surtout donné le goût de retomber en amour pour la première fois!