Les enfants du Sabbat - Anne Hébert
Ceux qui me lisent depuis un moment connaissent la grande admiration que j'ai pour l'écriture d'Anne Hébert. Sa maîtrise de la langue, de la structure des récits et son habileté à créer des atmosphères me fascine. Rien de moins. Toutefois, avouons-le d'emblée, je crois que ce sera le roman de l'auteur qui m'aura le moins plu. En tout cas, il vient loin derriere Kamouraska et Les fous de bassan, que j'aime d'amour.
L'histoire, cette fois, nous plonge davantage dans la sorcellerie alors que dans les précédents romans, il s'agissait plutôt d'onirisme ou de folie. C'est peut-être ce qui a déçu mes attentes, d'ailleurs. L'histoire se déroule dans un couvent gris, triste, refermé sur lui-même. Il est rempli de petites mesquineries ordinaires, de compétitions futiles entre ces femmes qui semblent se dessécher et se nourrir de petites vengeances et médisances dans ce monde clos. Bref, disons que la religion n'est pas du tout présentée sous son meilleur jour. Loin de là. Et dans ces murs se trouve Soeur Julie de la Trinité, qui se croit sorcière. Possédée. Et plus les pages se tournent, plus nous commençons à croire qu'elle le soit vraiment.
Dans ce couvent, rien ne va plus. Soeur Julie déclenche des tempêtes, des apparitions. Et Dieu n'y peut strictement rien. Le récit est très maîtrisé, fait de courts chapitres nous transportant du couvent à la montagne de B... où Philomène la sorcière et Abélard vivent dans la forêt avec leurs deux enfants. Le récit semble parfois délirant, passant du "il" au "je", entrecoupé de paroles religieuses en latin, d'incantations. On passe de cérémonies sataniques à cérémonies religieuses, de sacrifices à exorcismes, du passé au futur. Encore une fois, Anne Hébert réussit à créer une atmosphère étouffante, malsaine par moments. Les croyances de Julie, ses réactions, son attachement particulier à son frère, à ses racines, ses sorts, les destins qu'elle change... on se demande jusqu'où ça va aller.
Si la plume me plaît toujours autant, si j'ai aimé la critique sous-jacente de certaines pratiques religieuses de l'époque, j'avoue avoir trouvé par moments le contenu répétitif. Rien n'a de prise sur Julie, les événements, les apparitions, les vengeances se succèdent, personne n'y peut rien. C'est une histoire après l'autre, aussi énorme l'une que l'autre. Et ce n'est pas parce que ça se produit dans un couvent où il ne se passe rien. Du coup, après un moment, ça m'a suffi. J'ai continué à lire pour l'écriture mais l'histoire me pesait, et ce n'est pas pour les scènes de viol ou d'inceste (yep... quelle surprise) mais plutôt pour le sentiment qu'il était impossible de contrôler les actions de Julie, sa puissance. Peut-être y a-t-il une analogie sur l'impuissance de la religion face aux mesquineries humaines, je ne sais trop (et je m'avance dans la brume parce que franchement, il m'est venu douze hypothèses. Au moins). Mais j'aurais pu toutes les soulever avec moins de stigmates, de sang et de "mauvais coups".
Bref, une lecture en demi-teinte et ça me peine de le dire. Une forme éblouissante mais un traitement du sujet qui me rejoint plus ou moins.